Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/691

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MOI.

Comment, Berganza ? — Toi ! des connaissances musicales ? — Tu me fais rire !

BERGANZA.

Voilà comme vous êtes ! toujours des jugements téméraires. Parce que vous avez la manie de nous tourmenter de râcleries, de sifflements et de criailleries abominables, qui nous font hurler d’impatience et d’angoisse, vous nous refusez tout sentiment musical, et je soutiens pourtant que notre espèce jouit, à cet égard, des dispositions les plus heureuses, bien que je sois peut-être obligé de reconnaître la supériorité de ces odieux animaux, que la nature a privilégiés en effet sous le rapport de l’aptitude musicale, puisque, ainsi que le remarquait souvent mon noble maître et ami, ils savent exécuter en duo leurs chansons favorites, par tierces basses et hautes, suivant les lois de la gamme chromatique.

Bref, ce fut durant mon séjour dans la célèbre Résidence voisine, chez le maître de chapelle Jean Kreisler, que je m’instruisis profondément dans l’art musical. Lorsqu’il improvisait sur son magnifique piano, et qu’aux accords ravissants d’une pure harmonie, il initiait l’âme aux mystères merveilleux du sanctuaire de l’art, je m’étendais à ses pieds, et, l’œil arrêté fixement sur lui, je prétais jusqu’à la fin une oreille attentive. Et quand alors il se renversait dans son fauteuil, grand comme je suis, je sautais à