Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/717

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

commença à me gratter doucement sur la téte, et puis il ceignit mon front d’un mouchoir qu’il noua et drapa avec beaucoup de soin autour de mes oreilles. Durant cette opération, il riait en me regardant, et me dit plusieurs fois : « Chien intelligent, habile chien ! montre aujourd’hui ton esprit, et ne gâte pas la plaisanterie ! » — Habitué de vieille date, depuis mon métier dramatique, à ce qu’on me fit la toilette, je le laissai m’arranger comme il le voulut, et je le suivis ensuite machinalement, et à petits pas, dans le salon où Madame avait déjà commencé ses exhibitions. Le professejur sut si adroitement me soustraire aux regards des spectateurs que personne ne me remarqua.

Après avoir représenté des saintes Vierges et des Cariatides, des Cariatides et des saintes Vierges, Madame s’avança avec une coiffure fort singulière, ressemblant à la mienne à s’y méprendre. Elle se mit à genoux, et allongea les bras sur un tabouret placé devant elle, en contraignant ses yeux naturellement vifs et spirituels, à un regard fixe, funèbre et fantasmatique. Alors le professeur me poussa tout doucement en avant, et moi, sans soupçonner la plaisanterie, je m’avançai gravement jusqu’au milieu du cercle, et je m’accroupis par terre vis-à-vis de la dame, les pattes de devant étendues dans ma position habituelle. Excessivement surpris de la voir dans cette posture, qui présentait l’aspect le plus singulier, surtout à cause de la partie sur laquelle on a coutume de s’asseoir, et que la nature avait douée chez elle d’une ampleur prodigieuse,