Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/725

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ternes et obtus comme de viles pièces de billon, et une fille plus jeune qui ne faisait preuve en rien ni d’intelligence ni de sensibilité. Cécile était donc la seule qui fût réellement douée par la nature, non-seulement d’un profond sentiment de l’art, mais même de facultés créatrices, indices du génie. Avec un caractère moins naïf et moins ingénu que le sien, l’air solennel avec lequel la traitait sa mère, qui ne se lassait pas de répéter en sa présence qu’il y avait dans sa fille l’étoffe d’une artiste incomparable et sans modèle, n’aurait que trop facilement exalté son esprit, et l’aurait sans doute engagée dans une fausse route, d’où il est bien rare qu’une femme sache revenir !

MOI.

Berganza ! tu crois donc aussi à l’incorrigibilité des femmes ?

BERGANZA.

De toute mon âme ! — Toutes les femmes jetées une fois dans un moule, que leur esprit soit resté engourdi, ou qu’on ait faussé leur entendement, appartiennent sans rémission, dès qu’elles ont atteint l’âge de vingt-cinq ans, à l’ospedale degl’ incurabili5 et il n’y a plus rien à faire d’elles. La véritable vie des femmes est l’époque de la puberté, qui, embrasant leur double nature, rend leur âme avide de sensations et d’idées. La jeunesse embellit tous les êtres de sa pourpre éclatante, et l’ivresse du plaisir les couronne d’une auréole sacrée, de même que