Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/750

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BERGANZA.

Je dis vrai ! — Pour bien connaître ces gens à fond, il faut avoir vécu long-temps avec eux et les avoir, comme moi, souvent observés en silence dans leur foyer privé. — C’est pourtant quelque chose de bien beau que de ressusciter sur la scène un personnage illustre de l’antiquité ou des temps modernes que l’auteur a su peindre avec énergie et vérité, en lui prêtant un langage digne de son caractère héroïque, de manière à rendre le spectateur témoin, pour ainsi dire, des plus beaux faits de la vie du grand homme, en provoquant son admiration par l’éclat de sa gloire, ou sa pitié par le spectacle de sa chute. Il semblerait que l’acteur dût se pénétrer malgré lui des nobles inspirations dont il est l’interprète, qu’il dût devenir momentanément le héros lui-même, dont les actions, les paroles caractéristiques font naître dans l’auditoire la sympathie, l’effroi ou la stupeur. — Mais écoutez-le derrière les coulisses, le héros, comme il déclame contre son rôle quand les mains sont restées oisives, comme il se complait à débiter, au foyer, les plaisanteries les plus triviales quand il a secoué enfin la gêne de la grandeur ; et comme il prend à cœur, plus son rôle est poétique, et par conséquent au dessus de sa portée, de le traiter avec mépris, affectant des airs de supériorité et de dédain pour les prétendus connaisseurs que des niaiseries aussi ridicules peuvent intéresser et émouvoir ! — Quant aux dames, c’est tout-à-fait la même chose, seule-