Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/761

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génie en Tauride de Gluck, frappa doucement sur l’épaule de son voisin en extase, et lui demanda d’un air fin : « Mais qu’est-ce que cela prouve ? » — Avec vous, il ne suffit pas qu’une chose soit, vous exigez encore qu’elle ait une signification abstraite, indépendante d’elle ; tout doit conduire à une idée absolue qui puisse se dégager aussitôt à vos regards : la joie elle-même doit devenir autre chose que de la joie et concourir la production d’une utilité morale ou matérielle, pour que, d’après le vieux précepte digne du code culinaire, l’utile soit toujours uni à l’agréable.

MOI.

Mais ce but d’une simple réjouissance passagère est si mesquin, que tu en accorderas sans doute un plus élevé à l’art dramatique ?

BERGANZA.

Je ne connais pas de but plus élevé pour l’art que de susciter chez les hommes cette flamme du plaisir qui, délivrant notre être de toute oppression terrestre et de tous les tourments de cette vie prosaïque, comme de scories impures, permet à l’âme de planer libre et fière dans les régions célestes, presque en contact avec la divine essence qui commande son respect et son admiration ! La production de cette joie, cette exaltation de l’esprit au plus haut point de vue poétique, d’où l’on accepte volontiers les plus rares merveilles du pur idéal comme des impressions familières, et d’où la vie ordinaire