Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/763

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traits saillants de divers personnages, manquera toujours de cette vérité profonde et poétique qu’on n’obtient que par une étude réfléchie et transcendante de la nature humaine. Bref, le poète dramatique ne doit pas tant connaître les hommes que l’homme. — Le regard du véritable artiste plonge et pénètre dans la plus intime profondeur de la nature, et c’est en absorbant dans son esprit comme dans un prisme ses réfractions les plus variées qu’il parvient à maitriser son modèle.

MOI.

Tes vues sur l’art et le théâtre, mon cher Berganza ! pourraient bien rencontrer plus d’un contradicteur, et cependant ce que tu viens de dire de la connaissance de l’homme et des hommes me satisfait singulièrement. Grâce à cette théorie, je m’explique pourquoi les drames et les comédies d’un certain auteur, qui exerçait en même temps l’art du comédien, ont eu momentanément tant de succès et sont tombées sitôt dans l’oubli. Cette indifférence complète dont son genre devint l’objet, même durant sa vie, avait même tellement paralysé ses ailes, qu’il fut bientôt tout-à-fait incapable de tenter un nouvel essor.

BERGANZA.

Le poète dont tu parles est aussi responsable en grande partie du système déplorable qui détermina bientôt après lui, comme c’était inévitable, la chute de votre théâtre. C’était l’un des coryphées de cette