Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/774

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MOI.

Qu’importe la vie privée, si le poète est toujours et exclusivement poète ! — À te parler franchement, je suis de l’avis du Neveu de Rameau9, qui préfère l’auteur d’Athalie au bon père de famille.

BERGANZA.

Pour moi, je trouve absurde qu’on mette toujours à part chez le poète sa vie privée, comme s’il s’agissait d’un personnage officiel ou seulement d’un homme d’affaires en général. Et de quelle autre vie veut-on donc la séparer ? Jamais je ne serai convaincu que celui dont la poésie n’éléve pas la vie entière au-dessus du commun, au-dessus des mesquines misères du monde conventionnel, celui qui ne joint pas dans toutes ses actions la noblesse à la bienveillance, soit un véritable poète, poussé par une vocation intime, obéissant à une inspiration intérieure et profonde. Je suis toujours tenté de chercher dans quelle circonstance particulière, par quelle connexion les sentiments qu’il exprime sont passés du dehors en lui, comme une semence que les facultés de l’esprit et la chaleur de l’âme fécondent et transforment en fleurs et en fruits. — Aussi, la plupart du temps, un vice quelconque, ne serait-ce qu’un manque de goût résultant de la gène imposée par une parure d’emprunt, vient-elle trahir l’absence de la vraie nature poétique.