Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/777

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BERGANZA.

Pense un peu à la destinée d’un pauvre chien condamné à divulguer, comme on dit, les secrets de l’école pour une fois que le ciel lui accorde la faculté de parler. — Mais je vois avec plaisir que ma colère, mon mépris pour vos faux-prophètes (c’est ainsi que je veux appeler tous ceux qui, parjures à la vraie poésie, ne respirent que l’imposture et la vanité), aient été par toi si bien accueillis ou plutôt jugés naturels. Je te le répète, mon ami : méfie-toi des gens bigarrés ! —

En ce moment un vent frais du matin agita la cime des arbres, et les oiseaux réveillés de leur sommeil se mirent à planer dans la vapeur pourprée qui semblait surgir de derrière les collines.

Berganza faisait des grimaces et des bonds étranges, ses yeux étincelants ressemblaient à des charbons embrasés : je me levai et je me sentis saisi d’une terreur dont j’avais triomphé pourtant durant la nuit.

« Traou ! — haou ! — haou ! — Aou aou ! » —

Hélas ! Berganza voulut parler, mais les mots qu’il essaya d’articuler expirèrent dans les aboiements ordinaires du chien.

Il prit sa course aussitôt avec la rapidité de l’éclair ; bientôt je le perdis de vue, mais à une grande distance j’entendis retentir encore :

Haou aou ! — Haou ! — Haou ! — Haou aou !

Et je sus ce qu’il fallait en penser.