Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/804

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Je consens au marché, quoique je ne comprenne guères quel motif vous engage à vouloir m’enrichir. » À ces mots, il lança un coup-d’œil étincelant à son jeune compagnon, qui baissa aussitôt ses jolis yeux bleus. — Tous deux suivirent Traugott chez lui, et le vieillard empocha d’un air sombre l’argent qu’on lui compta. Pendant ce temps-là, le jeune homme s’adressant à Traugott lui demanda si ce n’était pas lui qu’il avait vu, plusieurs semaines auparavant, dessinant un si joli croquis dans la Cour d’Artus. « C’est bien moi, » répliqua Traugott, et le souvenir de la scène ridicule au sujet de la lettre d’avis lui fit monter la rougeur au front.

« En ce cas, je ne m’étonne plus de votre procédé, » reprit le jeune homme ; mais le vieillard l’ayant regardé tout-à-coup d’un air irrité, il se tut sur-le-champ. Traugott ne pouvait se défendre vis-à-vis des deux étrangers d’une certaine anxiété, et il les quitta sans avoir sollicité d’autres informations sur leur compte. Il y avait en effet dans ces deux individus quelque chose de si singulier, que tous les commis du comptoir en furent même frappés. Le teneur de livres, garçon humoriste s’il en fut, avait fiché sa plume derrière son oreille, et la tête appuyée sur ses deux mains, il considérait le vieillard d’un œil perçant. « Dieu me garde ! dit-il après le départ des étrangers, avec sa barbe touffue et son manteau noir, il ressemblait à un vieux tableau de l’église paroissiale de Saint-Jean, de anno 1400. » Quant à messire Elias, malgré la contenance digne de l’étranger, et sa figure empreinte de cette ma-