Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/806

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Traugott était muet d’étonnement, mais il réfléchit bientôt que le vieillard, qui s’imaginait être l’auteur de ces tableaux vieux de deux cents ans, était sans doute en proie à un égarement d’esprit particulier. « En vérité, dit le vieillard, en rejetant la tête en arrière et promenant avec fierté ses regards autour de lui, c’était pourtant une merveilleuse et florissante époque pour l’art, alors que j’ornais cette enceinte de ces peintures variées, en l’honneur du sage roi Artus et de sa noble table. Je crois bien que ce fut cet illustre prince lui-même qui, avec sa haute stature, s’approcha un jour de moi durant mon travail, et m’encouragea avec bienveillance à briguer l’honneur de la maîtrise que je n’avais pas encore obtenu.

» Mon père, interrompit le jeune homme, est un artiste comme il y en a peu, Monsieur, et vous n’auriez pas à regretter, s’il y consentait, de venir voir ses productions. » Le vieillard, après avoir fait encore un tour dans la salle déjà presque déserte, engagea aussi son fils au départ. Alors Traugott le pria de vouloir bien lui permettre d’aller voir ses tableaux. Le vieillard le contempla long-temps d’un œil pénétrant et sérieux ; enfin il répondit d’un ton solennel : « C’est en effet une prétention assez hardie de votre part, que de vouloir dès à présent pénétrer dans le sanctuaire intime de l’art, vous qui n’avez pas même commencé votre apprentissage. Mais soit ! si vos yeux sont encore trop débiles pour voir parfaitement, du moins vous pressentirez !…