Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/812

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» Ah bah !… répliqua messire Elias. — La petite friponne de Christine lui aurait-elle joué quelque tour ? poursuivit-il après une pause, le teneur de livres, cet âne amoureux, est toujours à la lorgner et à lui presser les mains, et Traugott est amoureux comme un fou de ma Christinette, cela est positif. Peut-être qu’un accès de jalousie… Je veux le tâter là-dessus ! »

Mais messire Elias eut beau faire, il ne put rien découvrir, et il dit à son vieil ami : « Notre cher Traugott est un singulier corps ! mais il faut le laisser agir à sa guise. S’il n’avait pas cinquante mille thalers dans mon commerce, je saurais bien quel parti prendre, car il ne fait plus rien absolument ! » Traugott aurait alors joui comme artiste d’un bonheur parfait, s’il n’avait eu le cœur déchiré par son ardent amour pour la belle Felicitas, dont l’image lui apparaissait souvent en songe. Mais le portrait avait disparu, et Traugott ne pouvait adresser au vieillard la moindre question à ce sujet sans exciter sa colère. Du reste, le vieux Berklinger était devenu de plus en plus confiant, et il consentit à recevoir de Traugott, en guise d’honoraires, un grand nombre d’objets dont était dépourvu son modeste ménage.

Traugott apprit par le jeune Berklinger que le vieillard avait souffert d’une duperie évidente à la vente d’une collection de tableaux, et que le papier qui lui avait été négocié, provenant du prix de cette vente, était le reste de leur mince fortune.

Du reste, Traugott ne pouvait parler confidentiel-