Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/825

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tuszewski mit la jeune fille au fait en peu de mois. Elle était miraculeusement belle, dans sa confusion pleine de grâces, avec ses joues empourprées et les yeux baissés ; et Traugott, qui voulait d’abord s’éloigner précipitamment, demeura immobile et comme fasciné, en jetant encore un regard de regret sur la charmante enfant.

Son compagnon sut adresser à l’aimable Dorina mille compliments gracieux, et adoucir ainsi l’impression pénible que cette scène singulière lui avait causée. Dorina releva les franges noires qui voilaient ses beaux yeux, et dit, en adressant aux étrangers un sourire plein de charme, que son père serait bientôt de retour de son travail, et se réjouirait de trouver chez lui des artistes d’Allemagne, pour qui il professait en général une grande estime. Traugott fut obligé de convenir qu’a l’exception de Felicitas, aucune jeune fille ne l’avait aussi profondément ému que Dorina à la première vue. C’était en effet presque une autre Felicitas : seulement, ses traits parurent à Traugott plus accentués, et sa chevelure plus foncée. C’était deux portraits d’une seule femme ; l’un peint par Raphael, et l’autre par Rubens.

Le père de la jeune fille ne se fit pas long-temps attendre, et Traugott reconnut combien la hauteur à laquelle était le vieillard dans l’église l’avait abusé. Au lieu du vigoureux Berklinger, celui-ci était un homme petit, chétif, et déprimé par la misère ; un reflet trompeur avait fait apparaître sur son menton, lisse et décharné, la barbe noire et touffue de Berklinger. — En raisonnant sur l’art, le vieillard déve-