Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/826

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loppa de profondes connaissances pratiques, et Traugott résolut de continuer des relations dont les prémices exerçaient déjà sur lui une influence salutaire, après l’avoir d’abord si péniblement affecté.

Dorina, la grâce naïve, la candeur en personne, laissait clairement deviner le penchant de son âme pour le jeune peintre allemand, et Traugott y répondait avec effusion de cœur. Bref, il prit tant d’affection pour la jeune fille de seize ans, qu’il passait des journées entières dans le modeste intérieur du peintre. Bientôt, il établit son atelier dans une chambre spacieuse qu’il trouva vacante dans le voisinage ; il se fit enfin le pensionnaire du petit ménage, dont il améliora ainsi d’une façon délicate la triste position. Aussi le vieillard s’attendait naturellement à le voir devenir son gendre, ce qu’il lui avoua avec franchise.

Cette confidence fut pour Traugott un coup de foudre ; car alors seulement il songea sérieusement au but essentiel de son voyage. L’image de Felicitas lui apparut de nouveau dans toute sa vivacité, et pourtant il ne pouvait se résoudre à s’éloigner de Dorina. Son imagination était impuissante à lui représenter la bien-aimée perdue comme unie à lui par des liens réels et positifs. Felicitas s’offrait à son esprit comme une vision spirituelle, avec l’idée qu’il ne pourrait jamais la posséder ni la perdre entièrement : idéale et éternelle intimité morale, sans nul espoir de possession matérielle. Mais il se représentait souvent Dorina comme étant sa femme bien-aimée, et alors un doux frémissement l’agitait, une secrète ardeur