Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/402

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comme une épouse sanctifiée par cette vie de spiritualisme ; mais l’enfant inexpérimenté peut-il se hasarder sans son maître dans les orages du monde ?

Ce n’est que depuis peu de jours que j’ai reconnu tout à fait la véritable magnanimité d’Alban. — Mais croirais-tu, chère Adelgonde, que lorsque j’étais plus malade et dans mes excès d’irritation, il s’élevait souvent dans mon âme d’odieux soupçons contre mon seigneur et maître ? Ainsi je croyais avoir trahi l’amour et la fidélité, quand je voyais s’élever devant moi, même au milieu de mes prières pour mon Hypolite, la figure d’Alban irritée et menaçante de ce que je voulusse sans lui me hasarder à franchir les limites qu’il m’avait prescrites, comme un enfant mutin et indocile aux conseils de son père, qui sort du jardin paisible pour aller courir dans la forêt, où de méchantes bêtes, avides de sang, guettent leur proie, cachées derrière les buissons verdoyants et fleuris ! Ah ! Adelgonde ! que ces doutes cruels me rendirent malheureuse ! — Moque-toi bien de moi, si je te dis que j’en vins jusqu’à penser qu’Alban me tendait un piège infernal, et songeait, sous les saintes apparences d’un sauveur miraculeux, à allumer dans mon cœur un amour terrestre… Ah ! Hypolite !…

Dernièrement, nous étions familièrement réunis le soir, mon père, mon frère, le vieux Bickert et moi ; Alban, suivant son habitude, était encore engagé dans une longue promenade. Il était question des rêves, et mon père ainsi que Bickert nous avaient raconté toutes sortes d’histoires merveilleuses et