Page:Hoffmann - Le Pot d’or.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les sources et les ruisseaux disent dans le bruit des cascades :

Bien-aimé ! ne passe pas si vite, jette tes regards sur notre cristal, ton image demeure en nous et nous la conservons avec amour, car tu nous as compris.

Les oiseaux de mille plumages chantent et gazouillent en joyeux chœur :

Entends-nous ! entends-nous ! nous sommes les amis, la joi, l’extase de l’amour !

Mais Anselme, plein de désirs, a les yeux attachés sur le temple magique qui s’élève dans le lointain.

Les colonnes, chef-d’œuvre d’art, paraissent des arbres, et les chapiteaux et les corniches des feuilles d’acanthe, qui forment des ornements avec d’admirables figures et des enroulements merveilleux. Anselme marche vers le temple ; il admire, inondé d’une joie intime, les marbres variés, les pierres couvertes de mousse.

— Non, s’écrie-t-il au comble du ravissement, il n’est plus loin !

Alors, dans tout l’éclat de la grâce et de la beauté, Serpentine sort du temple. Elle porte le pot d’or d’où s’est élancé un lis magnifique. La joie ineffable d’un désir infini brille dans ses yeux, et elle regarde Anselme en disant :

— Ah ! mon bien-aimé, le calice du lis est ouvert ; nous avons atteint le plus haut point du bonheur. Est-il une félicité qui puisse se comparer à la nôtre ?

Anselme l’enlace de ses bras avec l’ardeur de la passion la plus brûlante. Le lis brûle sur sa tête en rayons de feu.

Les arbres et les bois s’agitent plus bruyamment, les sources crient leur joie d’une voix plus claire, les oiseaux et une foule d’insectes variés dansent dans les tourbillons aériens. Des sons d’allégresse retentissent dans les airs, dans les eaux, sur la terre, et célèbrent la fête de l’amour. Alors des éclairs rapides parcourent et illuminent le bocage. Les diamants brillent comme les yeux étincelants de la terre. De hauts jets d’eau s’élancent des sources en rejetant la lumière. Des parfums étranges s’avancent chassés par des ailes bruyamment agitées. Ce sont les esprits élémentaires qui rendent hommage au lis et annoncent le bonheur d’Anselme.

Alors Anselme lève sa tête comme entourée du rayon éclatant de la transformation.

Sont-ce des regards ? sont-ce des paroles ? est-ce un chœur ? On entend résonner :

Serpentine ! la foi en toi, l’amour m’ont dévoilé les secrets de la nature. Tu m’as apporté le lis qui s’est élancé de l’or, de la puissance originelle de la terre, avant que Phosphorus allumât la pensée. Il est la connaissance du saint accord de tous les êtres, et dans cette connaissance je vivrai heureux à jamais.

Oui, j’ai connu la plus haute félicité. Je t’aimerai toujours, Ser-