Page:Hoffmann - Le Pot d’or.djvu/7

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spectacle de regards brillants d’un feu bleuâtre. Hélas ! c’était la vieille femme aux pommes de la porte Noire ! Ses dents pointues claquaient dans sa large bouche, et dans leur claquement on entendait ces mots :

— Fou ! fou ! fou ! attends ! attends ! Pourquoi cours-tu ici ? Fou !

Anselme, glacé d’effroi, recula d’un pas en arrière ; il voulut saisir le marteau, mais sa main prit seulement le cordon de la sonnette, et il la tira de telle sorte qu’un tintement résonna désagréable et déchirant l’oreille en s’enflant toujours, et dans toute la maison déserte l’écho moqueur répétait :

— Bientôt tu tomberas dans le cristal !

Anselme éprouva un frissonnement qui fit trembler un moment tous ses membres d’un accès nerveux de fièvre froide. Le cordon de la sonnette s’abaissa et forma un serpent transparent qui l’entoura en le serrant dans ses replis de plus fort en plus fort, de sorte que ses membres frêles se brisaient en craquant et que son sang se lançait de ses veines et entrait dans le corps du serpent transparent qu’il teignait en rouge ; dans son angoisse affreuse, il voulait crier : Tuez-moi ! tuez-moi ! mais son cri se changeait en un râle sourd. Le serpent leva sa tête et posa sur la poitrine d’Anselme la longue langue pointue de sa tête de bronze. Alors une douleur poignante brisa tout à coup l’artère du jeune homme, et il perdit connaissance.

Lorsqu’il revint à lui, il était couché sur son lit bien mince ; et devant lui était le recteur Paulmann, qui disait :

— Quelles extravagances faites-vous donc, au nom du ciel, mon cher monsieur Anselme ?


TROISIÈME VEILLÉE

Nouvelles de la famille de l’archiviste Lindhorst. — Les yeux bleus de Véronique. — Le greffier Heerbrand.


L’esprit regarda dans l’eau, et là quelque chose s’agita et se mit à mugir en vagues écumantes, et se précipita avec le bruit du tonnerre dans l’abîme, qui ouvrit ses gouffres noirs pour l’engloutir avidement. Des rochers de granit levèrent leur tête dentelée comme de triomphants vainqueurs, protégeant la vallée jusqu’à ce que le soleil la prit dans ses bras paternels, et l’entourant de ses feux la caressa et la réchauffa de ses vivifiants rayons.

Et alors mille germes s’éveillèrent qui s’étaient endormis d’un profond sommeil sous le sable stérile, et ils étendirent leurs petites feuilles vertes et leurs tiges en haut vers le visage de leur père. Et comme des enfants qui sourient dans le berceau, de petites fleurs reposaient dans leurs boutons jusqu’à ce que, éveillées à leur tour, elles se paraient de la lumière que leur père, pour leur joie, colorait de mille diverses manières.