Page:Hoffmann - Les Bijoux fatals ou Mademoiselle de Scudéri, Roman complet no 6, 1915.djvu/60

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Un matin Cardillac rentra plus gai que de coutume, il adressa quelques paroles affectueuses à Madelon, me regarda moi-même avec bonté, vida à table une bouteille de bon vin et, ce qu’il ne faisait guère qu’aux jours de fête, chanta à gorge déployée quand Madelon fut partie.

— Reste assis, mon garçon, me dit-il, nous chômons aujourd’hui, je veux boire à la santé de la plus noble et de la plus respectable dame de Paris.

Alors il me parla de vous et me vanta vos vertus avec un enthousiasme que je ne lui avais point connu jusque-là.

— Écoute, ajouta-t-il, il y a longtemps que j’avais reçu l’ordre de faire un collier et des bracelets pour Henriette d’Angleterre. Cette parure, à laquelle j’avais apporté tous mes soins était mon œuvre favorite. Je tremblais déjà à la pensée de devoir m’en séparer, quand la jeune princesse mourut. J’ai pensé que le meilleur usage à faire de ces bijoux était de les offrir à la personne la plus pieuse de France.

Et de nouveau il prononça votre nom, mademoiselle. Ai-je besoin de vous dire tous les souvenirs que ce nom réveilla en moi ? Je revis dans le même instant ces heures aimées de mon enfance, cette protectrice si chère qui m’avait entouré d’une si grande sollicitude. J’eus peur pour vous, mais Cardillac qui semblait deviner mes craintes, me dit en souriant :

— Il se passe souvent en mon âme d’étranges combats, je sens qu’elle veut me retenir chaque fois que Satan m’entraîne, et cette résistance me fait craindre que ce