Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/158

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ciété la possession des avantages ou droits qui viennent d’être rapportés. D’où l’on voit que sans justice la société est hors d’état de procurer aucun bonheur. La justice se nomme aussi équité, parce qu’à l’aide des loix, faites pour commander à tous, elle égalise tous les membres de la société, c’est-à-dire les empêche de se prévaloir les uns contre les autres de l’inégalité que la nature ou l’industrie peuvent avoir mis entre leurs forces.

Les droits sont tout ce que les loix équitables de la société permettent à ses membres de faire pour leur propre félicité. Ces droits sont évidemment limités par le but invariable de l’association ; la société de son côté a des droits sur tous ses membres en vertu d es avantages qu’elle leur procure, & tous ses membres sont en droit d’exiger d’elle ou de ses ministres ces avantages en faveur desquels ils vivent en société & renoncent à une portion de leur liberté naturelle. Une société dont les chefs & les loix ne procurent aucuns biens à ses membres, perd évidemment ses droits sur eux ; les chefs qui nuisent à la société perdent le droit de lui commander. Il n’est point de patrie sans bien-être ; une société sans équité ne renferme que des ennemis, une société opprimée ne contient que des oppresseurs & des esclaves ; des esclaves ne peuvent être citoyens ; c’est la liberté, la propriété, la sûreté qui rendent la patrie chère, & c’est l’amour de la patrie qui fait le citoyen[1].

Faute de connoître ces vérités, ou de les appliquer, les nations sont devenues malheureuses, & n’ont renfermé qu’un vil amas d’esclaves, sé-

  1. Servorum nulla est unquam civitas, a dit un ancien poëte.