Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/16

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chimeres, dont il ne nous ſera jamais poſſible de nous former des idées véritables, non plus que du lieu qu’elles occupent & de leur façon d’agir. Il n’eſt & il ne peut rien y avoir hors de l’enceinte qui renferme tous les êtres.

Que l’homme ceſſe donc de chercher hors du monde qu’il habite des êtres qui lui procurent un bonheur que la nature lui refuſe : qu’il étudie cette nature, qu’il apprenne ſes loix, qu’il contemple ſon énergie & la façon immuable dont elle agit ; qu’il applique ſes découvertes à ſa propre félicité, & qu’il ſe ſoumette en ſilence à des loix aux quelles rien ne peut le ſouſtraire ; qu’il conſente à ignorer les cauſes entourées pour lui d’un voile impénétrable ; qu’il ſubiſſe ſans murmurer les arrêts d’une force univerſelle qui ne peut revenir ſur ſes pas, ou qui jamais ne peut s’écarter des regles que ſon eſſence lui impoſe.

On a viſiblement abuſé de la diſtinction que l’on a faite ſi ſouvent de l’homme phyſique & de l’homme moral. L’homme eſt une être purement phyſique ; l’homme moral n’eſt que cet être phyſique conſidéré ſous un certain point de vue, c’eſt-à-dire, relativement à quelques-unes de ſes façons d’agir, dues à ſon organiſation particuliere. Mais cette organiſation n’eſt-elle pas l’ouvrage de la nature ? Les mouvemens ou façons d’agir dont elle eſt ſuſceptible ne ſont-ils pas phyſiques ? Ses actions viſibles ainſi que les mouvemens inviſibles excités dans ſon intérieur, qui viennent de ſa volonté ou de ſa penſée, sont également des effets naturels, des ſuites néceſſaires de son méchaniſme propre, & des impulſions qu’il reçoit des êtres dont il eſt entouré. Tout ce que l’eſprit humain a ſucceſſivement inventé pour