Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/160

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pas à se servir des moyens que la société leur met en main pour se faire des complices de leurs iniquités. Pour prévenir ces abus, il faut donc que la société limite le pouvoir qu’elle confie à ses chefs, & s’en réserve une portion suffisante pour les empêcher de lui nuire ; il faut que prudemment elle partage des forces, qui réunies, l’accableroient infailliblement. D’ailleurs la réflexion la plus simple lui fera sentir que le fardeau de l’administration est trop grand pour être porté par un seul homme, que l’étendue & la multiplicité de ses devoirs rendront toujours négligent, que l’étendue de son pouvoir rendra toujours méchant. Enfin l’expérience de tous les âges convaincra les nations que l’homme est toujours tenté d’abuser du pouvoir ; que le souverain doit être soumis à la loi, & non la loi au souverain.

Le gouvernement influe nécessairement & également sur le physique & le moral des nations. De même que ses soins produisent le travail, l’activité, l’abondance, la salubrité ; sa négligence & ses injustices produisent la paresse, le découragement, la disette, la contagion, les vices & les crimes. Il dépend de lui de faire éclore ou d’étouffer les talens, l’industrie, la vertu. En effet le gouvernement, dispensateur des grandeurs, des richesses, des récompenses & des châtimens, en un mot maître des objets dans lesquels les hommes ont appris dès l’enfance à placer leur félicité, acquiert une influence nécessaire sur leur conduite, il allume leurs passions, il les tourne du côté qu’il lui plaît, il les modifie & détermine leurs mœurs, qui ne sont dans les peuples entiers, comme dans les individus, que la conduite ou le systême général de volontés & d’actions qui résulte nécessairement de leur éducation, de leur gouvernement,