Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/163

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La nature ne fait les hommes ni bons ni méchans : elle en fait des machines plus ou moins actives, mobiles, énergiques ; [1] elle leur donne des corps, des organes, des tempéramens dont leurs passions & leurs desirs plus ou moins impétueux sont des suites nécessaires ; ces passions ont toujours le bonheur pour objet ; parconséquent elles sont légitimes & naturelles & ne peuvent être appellées bonnes ou mauvaises que d’après leur influence sur les êtres de l’espece humaine. La nature nous donne des jambes propres à nous soutenir & nécessaires pour nous transporter d’un lieu dans un autre ; les soins de ceux qui nous élèvent les fortifient, nous habituent à nous en servir ou à en faire un usage bon ou mauvais. Le bras que j’ai reçu de la nature n’est ni bon ni mauvais ; il est nécessaire à un grand nombre d’actions de la vie, mais l’usage de ce bras devient une chose criminelle, si j’ai contracté l’habitude de m’en servir pour voler ou pour assassiner en vue de me procurer de l’argent que l’on m’a dès l’enfance appris à desirer, que la société où je vis me rend nécessaire, mais que mon industrie pourroit me faire obtenir sans nuire à mon semblable.

Le cœur de l’homme est un terrein qui, suivant sa nature, est également propre à produire des ronces ou des grains utiles, des poisons ou des fruits agréables en raison des semences qu’on y aura jettées, & de la culture qu’on lui aura donnée. Dans notre enfance on nous montre les objets que nous devons estimer ou mépriser, chercher ou éviter, aimer ou haïr. Ce sont nos Pa-

  1. Seneque a dit avec raison, erras si existimes vitia mobiscum masci ; supervenerunt, ingesta sunt. V. Senec. Epist. 91, 95, 124.