Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/173

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pensée. Mais en dernière analyse ces idées ne peuvent nous venir que des objets extérieurs qui en agissant sur nos sens ont modifié notre cerveau, ou des êtres matériels renfermés dans l’intérieur de notre machine qui font éprouver à quelques parties de notre corps des sensations dont nous nous appercevons, & qui nous fournissent des idées que nous rapportons bien ou mal à la cause qui nous remue. Chaque idée est un effet, mais quelque difficile qu’il puisse être de remonter à sa cause, pouvons-nous supposer qu’il ne soit point dû à une cause ? Si nous ne pouvons avoir d’idées que de substances matérielles, comment pouvons-nous supposer que la cause de nos idées puisse être immatérielle ? Prétendre que l’homme sans le secours des objets extérieurs & des sens peut avoir des idées de l’univers, c’est dire qu’un aveugle né peut avoir l’idée vraie d’un tableau représentant quelque fait dont jamais il n’auroit entendu parler.

Il est facile de voir la source des erreurs dans lesquelles des hommes, profonds & très éclairés d’ailleurs, sont tombés quand ils ont voulu parler de notre ame & de ses opérations. Forcés par leurs préjugés ou par la crainte de combattre les opinions d’une théologie impérieuse, ils sont

    il a fallu tout voir en foi ; il a fallu voir en Dieu ; il a fallu que Dieu devint l’intermede, le lien commun de l’ame & du corps ; il a fallu que l’univers entier, sans excepter notre propre corps, ne fut qu’un rêve varié & nécessaire, le réve d’un seul homme : il a fallu que chaque homme se prit pour le tout, pour le seul être existant & nécessaire, pour Dieu lui-même. Enfin il a fallu que le plus extravagant des systêmes (celui de Berkeley) fût le plus difficile à combattre. Abyssus abyssum invocat. Mais si l’homme voit tout en lui même, ou s’il voit tout en Dieu, si Dieu est le lien commun de l’ame & du corps, d’où viennent tant d’idées fausses, tant d’erreurs dont l’esprit humain se remplit ? D’où viennent ces opinions qui, suivant les théologiens, sont si déplaisantes à Dieu ? ne pourroit-on pas demander au P. Malebranche. si c’en en Dieu que Spinosa a pu voir son systême.