Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

si clair à toutes les chimeres dont l’esprit humain s’est si longtems & si vainement occupé ? N’ont-ils pas vu que leur principe sappoit les fondemens de cette théologie qui n’occupe jamais les hommes que d’objets inaccessibles aux sens, & dont par conséquent il leur étoit impossible de se faire des idées ? Mais le préjugé, quand il est sacré sur-tout, empêche de voir les applications les plus simples des principes les plus évidens ; en matiere de religion les plus grands hommes ne sont souvent que des enfans, incapables de pressentir & de tirer les conséquences de leurs principes !

M Locke, & tous ceux qui ont adopté son systême si démontré, ou l’axiome d’Aristote, auroient dû en conclure que tous les êtres merveilleux dont la théologie s’occupe sont de pures chimeres ; que l’esprit ou la substance inétendue & immatérielle, n’est qu’une absence d’idées ; enfin ils auroient dû sentir que cette intelligence ineffable que l’on place au gouvernail du monde & dont nos sens ne peuvent constater ni l’existence ni les qualités, est un être de raison.

Les moralistes auroient dû, par la même raison, conclure que ce qu’ils nomment sentiment moral, instinct moral, idées innées de la vertu antérieures à toute expérience ou aux effets bons ou mauvais qui en résultent pour nous, sont des notions chimériques, qui, comme bien d’autres, n’ont que la théologie pour garant & pour base[1]. Avant de juger il faut sentir, il faut

  1. Ce fut sur cette base théologique ou imaginaire qu’un grand nombre de Philosophes, a prétendu fonder la morale, qui, comme nous le prouverons dans le chapitre XV, ne peut être fondée que sur l’intérêt, les besoins, le bien être de l’homme, connus par l’expérience, dont la nature nous a rendus susceptibles. La morale, est