Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/182

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comparer avant de pouvoir distinguer le bien du mal.

Pour nous détromper des idées innées ou des modifications imprimées à notre ame au moment de sa naissance ; il ne s’agit que de remonter à leur source, & nous verrons pour lors que celles qui nous sont familières & qui se sont comme identifiées avec nous, nous sont venues par quelques-uns de nos sens, se sont gravées quelquefois très difficilement dans notre cerveau, n’ont jamais été fixes, & ont perpétuellement varié en nous : nous verrons que ces prétendues idées inhérentes à notre ame sont des effets de l’éducation, de l’exemple & sur-tout de l’habitude, qui par des mouvemens réitérés, fait que notre cerveau se familiarise avec des systêmes & associe ses idées claires ou confuses d’une certaine maniere. En un mot nous prenons pour des idées innées celles dont nous oublions l’origine ; nous ne nous rappellons plus ni l’époque précise ni les circonstances successives où ces idées se sont consignées dans notre tête : parvenus à un certain âge nous croyons avoir toujours eu les mêmes notions ; notre mémoire chargée pour lors d’une multitude d’expériences ou de faits, ne nous rappelle plus ou ne peut plus distinguer les circonstances particulières qui ont contribué à donner à notre cerveau sa façon d’être & de penser, ses opinions actuelles. Personne de nous ne se souvient de la première fois que le mot Dieu par exemple a frappé

    une science de faits ; c’est la rendre incertaine que de la fonder sur des hypotheses dont nos sens ne peuvent pas constater la réalité, & sur lesquelles les hommes se disputeront sans fin, parce qu’ils ne s’entendront jamais. Dire que les idées de morale font innées ou l’effet d’un instinct, c’est prétendre qu’un homme sait lire avant de connoître les lettres de l’Alphabet.