Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/183

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son oreille, des premières idées qu’il s’en est formé, des premières pensées que ce son a produit en lui : cependant il est certain que dès-lors nous avons cherché dans la nature quelqu’être à qui rapporter les idées que nous nous en sommes formé ou que l’on nous en a suggéré : accoutumés depuis à entendre toujours parler de Dieu, les personnes, les plus éclairées d’ailleurs, regardent quelquefois son idée comme infuse par la nature, tandis qu’elle est visiblement dûe aux peintures que nos parens ou nos instituteurs nous en ont faites, & que nous avons ensuite modifiées d’après notre organisation & nos circonstances particulières ; c’est ainsi que chacun se fait un dieu dont lui-même est le modele ou qu’il modifie à sa maniere[1].

Nos idées en morale, quoique plus réelles que celles de la théologie, ne sont pas plus que les siennes, des idées innées ; les sentimens moraux, ou les jugemens que nous portons sur les volontés & les actions des hommes, sont fondés sur l’expérience, qui seule peut nous faire connoître celles qui sont utiles ou nuisibles, vertueuses ou vicieuses, honnêtes ou deshonnêtes, dignes d’estime ou de blâme. Nos sentimens moraux sont les fruits d’une foule d’expériences souvent très longues & très compliquées. Nous les recueillons avec le tems ; elles sont plus ou moins exactes en raison de notre organisation particulière & des causes qui la modifient, enfin nous appliquons ces expériences avec plus ou moins de facilité, ce qui est dû à l’habitude de juger. La célérité avec laquelle nous appliquons nos expériences où nous

  1. Voyez la II. partie chapitre 4.