tique ne peut être le résultat de deux causes différentes. Ainsi lorsque les hommes sont d’accord dans leurs idées, leurs façons de penser, leurs jugemens, leurs passions, leurs desirs & leurs goûts, leur consentement ne vient point de ce qu’ils voient ou sentent les mêmes objets précisément de la même manière, mais à-peu-près de la même manière, & de ce que leur langue n’est ni ne peut-être assez abondante en nuances pour désigner les différences imperceptibles qui se trouvent entre leurs façons de voir & de sentir. Chaque homme a pour ainsi dire une langue pour lui tout seul, & cette langue est incommunicable aux autres. Quel accord peut-il donc y avoir entre eux, lorsqu’ils s’entretiennent d’êtres qu’ils ne connoissent que par leur imagination ? Cette imagination dans un individu peut-elle être jamais la même que dans un autre ? Comment peuvent-ils s’entendre lorsqu’à ces mêmes êtres ils assignent des qualités qui ne sont dues qu’à la maniere dont leur cerveau est affecté ?
Exiger d’un homme qu’il pense comme nous, c’est exiger qu’il soit organisé comme nous ; qu’il ait été modifié comme nous dans tous les instans de sa durée ; qu’il ait reçu le même tempérament, la même nourriture, la même éducation ; en un mot c’est exiger qu’il soit nous-mêmes. Pourquoi ne point exiger qu’il ait les mêmes traits ? Est-il plus le maitre de ses opinions ? Ses opinions ne sont-elles pas des suites nécessaires de sa nature & des circonstances particulieres qui ont dès l’enfance nécessairement influé sur sa façon de penser & d’agir ? Si l’homme est un tout lié, dès qu’un seul de ses traits différe des nôtres, ne devrions-nous pas en conclure que son cerveau ne peut ni