Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/199

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non de propositions connues & examinées, mais des préjugés dont ils se sont imbus dans l’éducation, dans l’école, dans les livres, etc. : ils raisonnent continuellement, non sur des objets réels ou dont l’existence soit démontrée, mais sur des êtres imaginaires, dont jamais ils n’ont examiné la réalité ; ils se fondent, non sur des faits constans, sur des expériences avérées, mais sur des suppositions dépourvues de solidité. Trouvant ces idées établies de longue main, & que très peu de gens refusent de les admettre, ils les prennent pour des vérités incontestables, que l’on doit recevoir sur l’énoncé ; & lorsqu’ils y attachent une grande importance, ils s’irritent contre la témérité de ceux qui ont l’audace d’en douter ou même de les examiner.

Si l’on eût mis les préjugés à l’écart, on eût découvert que les objets qui ont fait naître les plus affreuses & les plus sanglantes disputes parmi les hommes sont des chimeres, l’on eût trouvé qu’ils se battoient & s’égorgeoient pour des mots vuides de sens ; ou du moins l’on eût appris à douter, & l’on eût renoncé à ce ton impérieux & dogmatique qui veut forcer les hommes à se réunir d’opinions. La réflexion la plus simple eût montré la nécessité de la diversité des opinions & des imaginations des hommes, qui dépendent nécessairement de leur conformation naturelle diversement modifiée, & qui influent nécessairement sur leurs pensées, leurs volontés & leurs actions. Enfin si l’on consultoit la morale & la droite raison, tout devroit prouver à des êtres qui se disent raisonnables, qu’ils sont faits pour penser diversement, sans cesser pour cela de vivre paisiblement, de s’aimer, de se prêter des secours mutuels,