Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/203

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connu qu’elle met au dessus de la nature, n’a pu imaginer qu’il pût mériter ou démériter de cet être s’il n’étoit libre dans ses actions. On a cru la société intéressée à ce systême, parce qu’on a supposé que si toutes les actions des hommes étoient regardées comme nécessaires, l’on ne seroit plus en droit de punir celles qui nuisent à leurs associés. Enfin la vanité humaine s’accommoda, sans doute, d’une hypothese qui sembloit distinguer l’homme de tous les autres êtres physiques, en assignant à notre espece l’appanage spécial d’une indépendance totale des autres causes, dont, pour peu que l’on réfléchisse, nous sentirons l’impossibilité.

Partie subordonnée d’un grand tout, l’homme est forcé d’en éprouver les influences. Pour être libre il faudroit qu’il fût tout seul plus fort que la nature entiere, ou il faudroit qu’il fût hors de cette nature, qui toujours en action elle-même, oblige tous les êtres qu’elle embrasse, d’agir & de concourir à son action générale ou, comme on l’a dit ailleurs, de conserver sa vie agissante par les actions ou les mouvemens que tous les êtres produisent en raison de leurs énergies particulieres soumises à des loix fixes, éternelles, immuables. Pour que l’homme fût libre, il faudroit que tous les êtres perdissent leurs essences pour lui, il faudroit qu’il n’eût plus de sensibilité physique, qu’il ne connût plus ni le bien ni le mal, ni le plaisir ni la douleur. Mais dès-lors il ne seroit plus en état ni de se conserver ni de rendre son existence heureuse ; tous les êtres devenus indifférens pour lui, il n’auroit plus de choix, il ne sçauroit plus ce qu’il doit aimer ou craindre, chercher ou éviter. En un mot l’homme seroit un être dénaturé ou to-