Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/204

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talement incapable d’agir de la maniere que nous lui connoissons.

S’il est de l’essence actuelle de l’homme de tendre au bien-être ou de vouloir se conserver ; si tous les mouvemens de sa machine sont des suites nécessaires de cette impulsion primitive ; si la douleur l’avertit de ce qu’il doit éviter, si le plaisir lui annonce ce qu’il doit appéter, il est de son essence d’aimer ce qui excite ou ce dont il attend des sensations agréables, & de haïr ce qui lui procure ou lui fait craindre des impressions contraires. Il faut nécessairement qu’il soit attiré ou que sa volonté soit déterminée par les objets qu’il juge utiles, & repoussée par ceux qu’il croit nuisibles à sa façon permanente ou passagere d’exister. Ce n’est qu’à l’aide de l’expérience que l’homme acquiert la faculté de connoître ce qu’il doit aimer ou craindre ; ses organes sont-ils sains ? Ses expériences seront vraies, il aura de la raison, de la prudence, de la prévoyance, il pressentira des effets souvent trés éloignés ; il sçaura que ce qu’il juge quelquefois être un bien, peut devenir un mal par ses conséquences nécessaires ou probables, & que ce qu’il sçait être un mal passager peut lui procurer pour la suite un bien solide & durable. C’est ainsi que l’expérience nous fait connoître que l’amputation d’un membre doit causer une sensation douloureuse, en conséquence nous sommes forcés de craindre cette opération ou d’éviter la douleur ; mais si l’expérience nous a montré que la douleur passagere que cette amputation cause, peut nous sauver la vie ; notre conservation nous étant chere nous sommes forcés de nous soumettre à cette douleur momentanée dans la vue d’un bien qui la surpasse.