Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/210

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se trouver celui qu’une passion vive sollicite au crime, tandis que la crainte lui en montre les dangers. Tel est encore l’état de celui que le remords empêche de jouir des objets que le crime lui a fait obtenir par des travaux continuels de son ame déchirée ; etc.

Si les forces ou causes soit extérieures soit internes qui agissent sur l’esprit de l’homme tendent vers des points différens, son ame ou son cerveau ainsi que tous les corps, prendra une direction moyenne entre l’une & l’autre force ; & en raison de la violence avec laquelle l’ame est poussée, l’état de l’homme est quelquefois si douloureux que son existence lui devient importune ; il ne tend plus à conserver son être ; il va chercher la mort comme un azile contre lui-même, & comme le seul remede au désespoir ; c’est ainsi que nous voyons des hommes malheureux & mécontens d’eux-mêmes se détruire volontairement, lorsque la vie leur devient insupportable. L’homme ne peut chérir son existence que tant qu’elle a pour lui des charmes mais lorsqu’il est travaillé par des sensations pénibles ou des impulsions contraires, sa tendance naturelle est dérangée ; il est forcé de suivre une route nouvelle qui le conduit à sa fin & qui la lui montre même comme un bien désirable. Voilà comment nous pouvons nous expliquer la conduite de ces mélancoliques que leur tempérament vicié, que leur conscience bourrelée, que le chagrin & l’ennui déterminent quelquefois à renoncer à la vie[1].

  1. Voyez le Chapitre XIV. Les peines de l’esprit déterminent bien plus que les peines du corps à se donner la mort. Mille causes font diversion aux douleurs du corps, au-lieu que dans les peines de l’esprit le cerveau est comme absorbé dans les idées qu’il porte au-dedans de lui-même. Par la même raison, les plaisirs que l’on nomme intellectuels sont les plus grands de tous.