Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/216

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vous faites réflexion aux conséquences. Mais suis-je le maître de faire réflexion à ces conséquences, lorsque mon ame est entraînée par une passion très vive qui dépend de mon organisation naturelle & des causes qui la modifient ? Est-il en mon pouvoir d’ajouter à ces conséquences tout le poids nécessaire pour contrebalancer mon désir ? Suis-je maître d’empêcher que les qualités qui me rendent un objet désirable ne résident en lui ? Vous avez dû, me dit-on, apprendre à résister à vos passions & contracter l’habitude de mettre un frein à vos désirs. J’en conviendrai sans peine. Mais, répliquerai-je, ma nature a-t-elle été susceptible d’être ainsi modifiée ; mon sang bouillant, mon imagination fougueuse, le feu qui circule dans mes veines, m’ont-ils permis de faire & d’appliquer des expériences bien vraies au moment où j’en avois besoin ? Et quand mon tempérament m’en eût rendu capable, l’éducation, l’exemple, les idées que l’on m’a inspirées de bonne heure ont-elles été bien propres à me faire contracter l’habitude de réprimer mes désirs ? Toutes ces choses n’ont-elles pas plutôt contribué à me faire chérir & désirer les objets auxquels vous dites que je devois résister ? Vous voulez, dira l’ambitieux, que je résiste à ma passion ; ne m’a-t-on pas sans cesse répété que le rang, les honneurs, le pouvoir sont des avantages désirables ? N’ai-je pas vu mes concitoyens les envier, les grands de mon pays tout sacrifier pour les obtenir ? Dans la société où je vis, ne suis-je pas forcé de sentir que, si je suis privé de ces avantages, je dois m’attendre à languir dans le mépris & à ramper sous l’oppression ? Vous me défendez, dira l’avare, d’aimer l’argent & de chercher les moyens d’en acquérir ? Eh ! Tout ne me dit-il pas dans ce monde