Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/219

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Malgré des preuves si claires de la non liberté de l’homme, on insistera, peut-être, encore, & l’on nous dira que si l’on propose à quelqu’un de remuer ou de ne pas remuer la main, actions du nombre de celles que l’on nomme indifférentes, il paroit évidemment le maître de choisir, ce qui prouve qu’il est libre. Je répons que dans cet exemple l’homme pour quelqu’action qu’il se détermine ne prouvera point sa liberté ; le désir de montrer sa liberté, excité par la dispute, deviendra pour lors un motif nécessaire qui décidera sa volonté pour l’un ou l’autre de ces mouvemens ; ce qui lui fait prendre le change, ou ce qui lui persuade qu’il est libre dans cet instant, c’est qu’il ne démêle point le vrai motif qui le fait agir, c’est le désir de me convaincre. Si dans la chaleur de la dispute il insiste & demande, ne suis-je pas le maître de me jetter par la fenêtre ? je lui dirai que non, & que tant qu’il conservera la raison il n’y a pas d’apparence que le désir de me prouver sa liberté devienne un motif assez fort pour lui faire sacrifier sa propre vie : si mon adversaire malgré cela se jettoit par la fenêtre pour me prouver qu’il est libre, je n’en conclurois point qu’il agissoit librement en cela, mais que c’est la violence de son tempérament qui l’a porté à cette folie. La démence est un état qui dépend de l’ardeur du sang & non de la volonté. Un fanatique ou un héros bravent la mort aussi nécessairement qu’un homme plus flegmatique ou qu’un lâche la fuit[1].

  1. Il n’y a aucune différence entre un homme qu’on jette par la fenêtre & un homme qui s’y jette lui-même, sinon que l’impulsion qui agit sur le premier vient du dehors, & que l’impulsion qui détermine la chute du second vient du dedans de sa propre machine. Mutius Scévola qui tient la main dans un brasier étoît aussi nécessité par les motifs intérieurs qui le poussoient à cette étrange action que si des hommes vigoureux eussent retenu son bras. La fiérté, le désir