Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/225

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gés de nous contenter de connoître les loix générales & nécessaires qui règlent le cœur humain ; dans les individus de notre espece elles sont les mêmes & ne varient jamais qu’en raison de l’organisation qui leur est particulière & des modifications qu’elle éprouve, qui ne sont & ne peuvent être rigoureusement les mêmes. Il nous suffit de savoir que par son essence tout homme tend à se conserver & à rendre son existence heureuse ; cela posé quelque soient ses actions, nous ne nous tromperons jamais sur leurs motifs, lorsque nous remonterons à ce premier principe, à ce mobile général & nécessaire de toutes nos volontés. L’homme faute d’expérience & de raison se trompe, sans doute, souvent sur les moyens de parvenir à cette fin ; ou bien les moyens qu’il emploie nous déplaisent parcequ’ils nous nuisent à nous-mêmes ; ou enfin ces moyens dont ils se sert nous semblent insensés, parcequ’ils l’écartent quelque fois du but dont il voudroit s’approcher ; mais quelque soient ces moyens, ils ont toujours nécessairement & invariablement pour objet un bonheur existant ou imaginaire, durable ou passager, analogue à sa façon d’être, de sentir & de penser. C’est pour avoir méconnu cette vérité que la plûpart des moralistes ont fait plutôt le roman que l’histoire du cœur humain ; ils ont attribué ses actions à des causes fictives, & n’ont point connu les motifs nécessaires de sa conduite. Les politiques & les législateurs ont été dans la même ignorance, ou bien des imposteurs ont trouvé plus court d’employer des mobiles imaginaires que des mobiles existans ; ils ont mieux aimé faire trembler les hommes sous des phantômes incommodes que de les guider à la vertu par le chemin du bonheur, si conforme au penchant nécessaire de leurs