Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/228

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D’où vient réellement la corruption universelle dont les moralistes se plaignent avec raison, sans en jamais montrer les causes aussi vraies que nécessaires. Ils s’en prennent à la nature humaine, il la disent corrompue[1] ; ils blâment l’homme de s’aimer lui-même & de chercher son bonheur ; ils prétendent qu’il lui faut des secours surnaturels pour faire le bien ; & malgré cette liberté qu’ils lui attribuent, ils assûrent qu’il ne faut pas moins que l’auteur de la nature lui-même pour détruire les mauvais penchans de son cœur : mais hélas ! Cet agent si puissant ne peut lui-même rien contre les penchans malheureux que dans la fatale constitution des choses, les mobiles les plus forts donnent aux volontés des hommes, & contre les directions fâcheuses que l’on fait prendre à leurs passions naturelles. On nous répète incessamment de résister à ces passions ; on nous dit de les étouffer & de les anéantir dans notre cœur : ne voit-on pas qu’elles sont nécessaires, inhérentes à notre nature, utiles à notre conservation, puisqu’elles n’ont pour objet que d’éviter ce qui nous nuit & de nous procurer ce qui peut nous être avantageux ? Enfin ne voit-on pas que ces passions bien dirigées, c’est-à-dire portées vers des objets vraiment intéressans pour nous-mêmes & pour les autres, contribueroient nécessairement au bien-être réel & durable de la société. Les

  1. C’est une doctrine nuisible que celle qui nous montre notre nature comme corrompue, & qui prétend qu’il faut une grâce du ciel pour faire le bien. Elle tend nécessairement à décourager les hommes, à les jetter dans l’inertie ou le désespoir, en attendant cette grace. Les hommes auroient toujours la grâce s’ils étoient bien élevés & bien gouvernés. C’est une étrange morale que celle de ces Théologiens qui attribuent tout le mal moral au péché originel, & tout le bien que nous faisons à la grace. Il ne faut point être surpris de voir qu’une morale fondée sur des hyootheses si ridicules n’est d’aucune efficacité. Voyez la II partie de cet ouvrage, chap. VIII.