ou s’ils ne présumoient, que de certains effets suivront nécessairement les actions qu’ils font. Le moraliste prêche la raison, parce qu’il la croit nécessaire aux hommes ; le philosophe écrit parce qu’il présume que la vérité doit nécessairement l’emporter tôt ou tard sur le mensonge ; le théologien & le tyran haïssent & persécutent nécessairement la raison & la vérité, parce qu’ils les jugent nuisibles à leurs intérêts ; le souverain qui par ses loix effraie le crime & qui plus souvent encore le rend utile & nécessaire, présume que les mobiles qu’il emploie suffisent pour contenir ses sujets. Tous comptent également sur la force ou sur la nécessité des motifs qu’ils mettent en usage & se flattent, à tort ou à raison, d’influer sur la conduite des hommes. Leur éducation n’est communément si mauvaise ou si peu efficace que parce qu’elle est réglée par le préjugé ; ou quand elle est bonne elle est bientôt contredite & anéantie par tout ce qui se passe dans la société. La législation & la politique sont souvent iniques ; elles allument dans les cœurs des hommes des passions qu’elles ne peuvent plus réprimer. Le grand art du moraliste seroit de montrer aux hommes & à ceux qui règlent leurs volontés que leurs intérêts sont les mêmes, que leur bonheur réciproque dépend de l’harmonie de leurs passions, & que la sûreté, la puissance, la durée des empires dépendent nécessairement de l’esprit que l’on répand dans les nations, des vertus que l’on seme & que l’on cultive dans les cœurs des citoyens. La religion ne seroit admissible que si elle fortifioit vraiment ces motifs, & s’il étoit possible que le mensonge pût prêter des secours réels à la vérité. Mais dans l’état malheureux où des erreurs uni-