Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tre, il résulte que l’homme n’est libre dans aucun des instans de sa durée. Il n’est pas maître de sa conformation qu’il tient de la nature ; il n’est pas maître de ses idées ou des modifications de son cerveau qui sont dues à des causes qui malgré lui & à son insçu agissent continuellement sur lui ; il n’est point maître de ne pas aimer ou désirer ce qu’il trouve aimable & désirable ; il n’est pas maître de ne point délibérer quand il est incertain des effets que les objets produiront sur lui ; il n’est pas maître de ne pas choisir ce qu’il croit le plus avantageux ; il n’est pas maître d’agir autrement qu’il ne fait au moment où sa volonté est déterminée par son choix. Dans quel moment l’homme est-il donc le maître ou libre dans ses actions [1] ?

  1. Voici comment on peut réduire la question de la liberté de l’homme. La liberté ne peut se rapporter à aucune des fonctions connue de notre ame ; car l’ame au moment où elle agit, ne peut agir autrement ; au moment où elle choisit ne peut choisir autrement ; au moment où elle délibere ne peut délibérer autrement ; au moment qu’elle veut ne peut vouloir autrement, parce qu’une chose ne peut pas exister & ne point exister en même tems. Or, c’est ma volonté telle qu’elle est qui me fait délibérer ; c’est ma délibération telle qu’elle est qui me fait choisir ; c’est mon choix tel qu’il est qui me fait agir ; c’est ma détermination telle qu’elle est qui me fait exécuter ce que ma délibération m’a fait choisir, & je n’ai délibéré que parce que j’ai eu des motifs qui m’ont fait délibérer, & parce qu’il n’étoit pas possible que je ne voulusse pas délibérer. Ainsi la liberté ne se trouve ni dans la volonté, ni dans la délibération, ni dans le choix, ni dans l’action. II faut que les théologiens ne rapportent la liberté à aucune de ces opérations de l’ame, car autrement il y auroit contradiction dans les idées. Si l’ame n’est point libre ni quand elle veut, ni quand elle délibere, ni quand elle choisît, ni quand elle agit, quand donc peut-elle exercer fa liberté ? C’est aux théologiens à nous le dire.
    Il est évident que c’est pour justifier la divinité du mal qui se commet dans ce monde que l’on a imaginé le systême de la liberté ; cependant ce systême ne la justifie nullement. En effet, si c’est de Dieu que l’homme a reçu sa liberté, c’est de Dieu qu’il a reçu la faculté de choisir le mal & de s’écarter du bien ; ainsi c’est de Dieu qu’il a reçu la détermination au péché, ou bien la liberté devroit être essentielle à l’homme & indépendante de Dieu. Voyez le traité des systemes, pag. 124.