Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/255

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taines, mais encore il établit la morale sur une base inébranlable. Loin de sapper les fondemens de la vertu, il montre sa nécessité ; il fait voir les sentimens invariables qu’elle doit exciter en nous, sentimens si nécessaires & si forts que tous les préjugés & les vices de nos institutions n’ont jamais pu les anéantir dans les cœurs. Lorsque nous méconnoissons les avantages de la vertu, c’est à nos erreurs infuses, à nos institutions déraisonnables que nous devons nous en prendre ; tous nos égaremens sont des suites fatales & nécessaires des erreurs & des préjugés qui se sont identifiés avec nous. N’imputons donc plus à notre nature de nous rendre méchans ; ce sont les opinions funestes que l’on nous force de sucer avec le lait qui nous rendent ambitieux, avides, envieux, orgueilleux, débauchés, intolérans, obstinés dans nos préjugés, incommodes pour nos semblables & nuisibles à nous-mêmes. C’est l’éducation qui porte en nous le germe des vices qui nous tourmenteront nécessairement pendant tout le cours de notre vie.

On reproche au fatalisme de décourager les hommes, de réfroidir leurs ames, de les plonger dans l’apathie, de briser les nœuds qui devroient les lier à la société. si tout est nécessaire, nous dit-on, il faut laisser aller les choses & ne s’émouvoir de rien. Mais dépend-il de moi d’être sensible ou non ? Suis-je le maître de sentir ou de ne point sentir la douleur ? Si la nature m’a donné une ame humaine & tendre, m’est-il possible de ne point m’intéresser vivement à des êtres que je sçais nécessaires à mon propre bonheur ? Mes sentimens sont nécessaires, ils dépendent de ma propre nature que l’éducation a cultivée. Mon imagination