Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/256

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prompte à s’émouvoir fait que mon cœur se resserre & frissonne à la vue des maux que souffrent mes semblables, du despotisme qui les écrase, de la superstition qui les égare, des passions qui les divisent, des folies qui les mettent perpétuellement en guerre. Quoique je sache que la mort est le terme fatal & nécessaire de tous les êtres, mon ame n’en est pas moins vivement touchée de la perte d’une épouse chérie, d’un enfant propre à consoler ma vieillesse, d’un ami devenu nécessaire à mon cœur. Quoique je n’ignore pas qu’il est de l’essence du feu de brûler, je ne me croirai pas dispensé d’employer tous mes efforts pour arrêter un incendie. Quoique je sois intimement convaincu que les maux dont je suis témoin sont des suites nécessaires des erreurs primitives dont mes concitoyens sont imbus ; si la nature m’a donné le courage de le faire, j’oserai leur montrer la vérité ; s’ils l’écoutent, elle deviendra peu-à-peu le reméde assûré de leurs peines ; elle produira les effets qu’il est de son essence d’opérer.

Si les spéculations des hommes influoient sur leur conduite, ou changeoient leurs tempéramens, l’on ne peut point douter que le systême de la nécessité ne dût avoir sur eux l’influence la plus avantageuse ; non seulement elle seroit propre à calmer la plûpart de leurs inquiétudes ; mais elle contribueroit encore à leur inspirer une soumission utile, une résignation raisonnée aux décrets du sort, dont souvent leur trop grande sensibilité fait qu’ils sont accablés. Cette apathie heureuse seroit sans doute désirable pour ces êtres qu’une ame trop tendre rend souvent les déplorables jouets de la destinée, ou que des organes trop frêles exposent sans cesse à être brisés par les coups de l’adversité.