Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/258

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Le fataliste conséquent à ces idées ne sera donc ni un misanthrope incommode, ni un citoyen dangereux. Il pardonnera à ses frères les égaremens que leur nature viciée par mille causes leur ont rendu nécessaires ; il les consolera, il leur inspirera du courage, il les détrompera de leurs vaines chimeres ; mais jamais il ne leur montrera cette aîgreur, plus propre à les révolter qu’à les attirer à la raison. Il ne troublera point le repos de la société, il ne soulévera point les peuples contre la puissance souveraine ; il sentira que la perversité & l’aveuglement de tant de conducteurs des peuples sont des suites nécessaires des flatteries dont on repaît leur enfance, de la malice nécessaire de ceux qui les obsédent & les corrompent pour profiter de leurs foiblesses, enfin que ce sont des effets inévitables de l’ignorance profonde de leurs vrais interêts où tout s’efforce de les retenir.

Le fataliste n’est point en droit d’être vain de ses propres talens ou de ses vertus ; il sçait que ces qualités ne sont que des suites de son organisation naturelle, modifiée par des circonstances qui n’ont nullement dépendu de lui. Il n’aura ni haine ni mépris pour ceux que la nature & les circonstances n’auront point favorisé comme lui. C’est le fataliste qui doit être humble & modeste par principe ; n’est-il pas forcé de reconnoître qu’il ne posséde rien qu’il n’ait reçu ?

En un mot tout ramene à l’indulgence celui que l’expérience a convaincu de la nécessité des choses. Il voit avec douleur qu’il est de l’essence d’une société mal constituée, mal gouvernée, asservie à des préjugés, & à des usages déraisonnables, soumise à des loix insensées, dégradée par