Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/268

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ainsi que celui de chacun des individus qui le composent, dépend à chaque instant de causes insensibles, que des circonstances souvent fugitives font naître, développent & mettent en action. Nous attribuons au hazard leurs effets, & nous les regardons comme fortuits, tandis que ces causes opèrent nécessairement & suivant des règles sûres. Nous n’avons souvent ni la sagacité ni la bonne foi de remonter aux vrais principes ; nous regardons des mobiles si foibles avec mépris, parce que nous les jugeons incapables de produire de si grandes choses. Ce sont pourtant ces mobiles tels qu’ils sont, ce sont ces ressorts si chétifs qui dans les mains de la nature & d’après ses loix nécessaires suffisent pour remuer notre univers. La conquête d’un Gengis-Kan n’a rien de plus étrange que l’explosion d’une mine, causée dans son principe par une foible étincelle, qui commence d’abord par allumer un grain unique de poudre, mais dont le feu se communique bientôt à plusieurs milliers d’autres grains contigus, dont les forces réunies & multipliées finissent par renverser des remparts, des villes & des montagnes.

Le sort de la race humaine & celui de chaque homme dépend donc à tout moment de causes insensibles, cachées dans le sein de la nature, jusqu’à ce que leur action se déploie. Le bonheur ou le malheur, la prospérité ou la misère de chacun de nous & des nations entières sont attachées à des forces dont il nous est impossible de prévoir, d’apprécier ou d’arrêter l’action. Peut-être qu’en cet instant s’amassent & se combinent les molécules imperceptibles dont l’assemblage formera un souverain qui sera le fleau ou le sauveur d’un vaste empire. Nous ne pouvons nous-mêmes répon-