Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/273

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re double ; il la distingua de sa propre énergie, il la sépara de son moteur, que peu-à-peu il fit spirituel. Cet être distingué de la nature fut regardé comme l’ame du monde, & les ames des hommes comme des opinions émanées de cette ame universelle. Cette opinion sur l’origine de nos ames est d’une antiquité très reculée. Ce fut celle des égyptiens, des Chaldéens, des Hébreux[1], ainsi que de la plûpart des sages de l’orient. Ce fut dans leurs écoles que les Phérécydes, les Pythagores, les Platons puisérent une doctrine flatteuse pour la vanité & pour l’imagination des mortels. L’homme se crut ainsi une portion de la divinité, immortel comme elle dans une partie de lui-même. Cependant des religions, inventées par la suite, renoncèrent à ces avantages qu’elles jugèrent incompatibles avec d’autres parties de leurs systêmes : elles prétendirent que le souverain de la nature, ou son moteur, n’étoit point son ame, mais qu’en vertu de sa toute-puissance il créoit les ames humaines à mesure qu’il produisoit les corps qu’elles devoient animer, & l’on enseigna que ces ames, une fois produites, par un

  1. Il paroît que Moyse croyoit avec les Egyptiens l’émanation divine des ames ; Dieu, selon lui, forma l’homme du limon de la terre, il refondit sur son visage un soufle de vie, & l’homme devint vivant & animé. Voyez LA Genèse Chap. II. v. 7. Cependant les chrétiens rejettent aujourdhui le système de l’émanation divine, vu qu’elle supposeroit la divinité divisible : d’ailleurs leur religion, ayant besoin d’un enfer pour tourmenter les ames des réprouvés, il eût fallu damner une portion de la divinité conjointement avec les ames des victimes qu’elle sacrifioit à sa propre vengeance ; Quoique Moyse, par les paroles qui viennent d’être citées, semble indiquer que l’ame soit une portion de la divinité, nous ne voyons pourtant pas que le dogme de l’immortalité de l’ame soit établi dans aucun des Livres qu’on lui attribue. Il paroît que ce fut durant la captivité de Babylone que les Juifs apprirent le dogme des récompenses & des châtimens futurs, enseigné par Zoroastre aux Perses, mais que le législateur hébreu ne connut pas, ou du moins laissa ignorer a son peuple.