Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/282

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troublé par aucun songe désagréable, & qu’un réveil fâcheux ne le suivra jamais. Mourir, c’est dormir ; c’est rentrer dans cet état d’insensibilité où nous étions avant de naître, avant d’avoir des sens, avant d’avoir la conscience de notre existence actuelle. Des loix aussi nécessaires que celles qui nous ont fait naître nous feront rentrer dans le sein de la nature d’où elle nous avoit tirés, pour nous reproduire par la suite sous quelque forme nouvelle, qu’il nous seroit inutile de connoître : sans nous consulter elle nous plaça pour un tems dans le rang des êtres organisés, sans notre aveu elle nous obligera d’en sortir pour occuper un autre rang. Ne nous plaignons point de sa dureté, elle nous fait subir une loi dont elle n’excepte aucun des êtres qu’elle renferme[1]. Si tout naît & périt, si tout se change & se détruit ; si la naissance d’un être n’est jamais que le premier pas vers sa fin, comment eût-il été possible que l’homme, dont la machine est si frêle, dont les parties sont si mobiles & si compliquées, fût exempté d’une loi commune qui veut que la terre solide que nous habitons se change, s’altère & peut-être se détruise ! Foible mortel ! Tu prétendrois exister toujours ; veux-tu donc que pour toi seul la nature change son cours ? Ne vois-tu pas dans ces cometes excentriques qui viennent étonner tes regards, que les planetes elles-mêmes sont sujettes à la mort ? Vis donc en paix, tant que la nature le permet, & meurs sans effroi, si ton esprit est éclairé par la raison.

  1. Quid de rerum natura querimur, illa se bene geffit ; vita si seias uti, longa est. V. Senec. De Brevitate Vitæ. Tout le monde se plaint de la brieveté de la vie & de la rapidité du tems, & les hommes, pour la plupart, ne savent que faire ni du tems de la vie !