Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/285

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qui déjà sont assez alarmés, elles ne contiennent que ceux qui sont déjà contenus.

Ces notions n’en imposent donc aucunement aux méchans ; quand par hazard elles agissent sur eux ce n’est que pour redoubler la méchanceté de leur caractère naturel, la justifier à leurs propres yeux, lui fournir des prétextes pour l’exercer sans crainte & sans scrupule. En effet l’expérience d’un grand nombre de siècles nous montre à quels excès la méchanceté & les passions des hommes se sont portées quand elles ont été autorisées ou déchaînées par la religion, ou du moins quand elles ont pu se couvrir de son manteau. Les hommes n’ont jamais été plus ambitieux, plus avides, plus fourbes, plus cruels, plus séditieux que quand ils se sont persuadés que la religion leur permettoit, ou leur ordonnoit de l’être ; cette religion ne faisoit pour lors que donner une force invincible à leurs passions naturelles, qu’ils pûrent sous ses auspices sacrés exercer impunément & sans aucun remords. Bien plus, les plus grands scélérats, en donnant un libre cours aux penchans détestables de leur méchant naturel, crurent mériter le ciel, dans la cause duquel ils se montroient zélés, & s’exempter par des forfaits des châtimens d’un dieu dont ils pensoient avoir mérité le courroux.

Voilà donc les effets que les notions salutaires de la théologie produisent sur les mortels ! Ces réflexions peuvent nous fournir des réponses à ceux qui nous disent que si la religion promettoit également le ciel aux méchans comme aux bons, il n’y auroit point d’incrédules à l’autre vie. Nous répondrons donc que la religion, dans le fait, accorde le ciel aux méchans ; elle y place souvent