Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/286

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les plus inutiles & les plus méchans des hommes[1]. Elle aiguise, comme on vient de le voir, les passions des méchans en légitimant des crimes que sans elle ils craindroient de commettre, ou pour lesquels ils auroient de la honte & des remords. Enfin les ministres de la religion fournissent aux plus méchans des hommes des moyens de détourner la foudre de dessus leurs têtes, & de parvenir à la félicité éternelle.

A l’égard des incrédules, il peut y avoir, sans doute, des méchans parmi eux, comme parmi les plus crédules ; mais l’incrédulité ne suppose pas plus la méchanceté que la crédulité ne suppose la bonté. Au contraire, l’homme qui pense & médite connoît mieux les motifs d’être bon, que celui qui se laisse guider en aveugle par des motifs incertains ou par les intérêts des autres. Tout homme sensé a le plus grand intérêt d’examiner des opinions que l’on prétend devoir influer sur son bonheur éternel : s’il les trouve fausses ou nuisibles pour la vie présente, il ne conclura jamais de ce qu’il n’a pas d’autre vie à craindre ou à espérer, qu’il peut dans celle-ci se livrer impunément à des vices, qui lui feroient tort à lui-même ou qui lui attireroient le mépris ou la colère de la société. L’homme qui n’attend point une autre vie n’en est que plus intéressé à prolonger son existence & à se rendre cher à ses semblables dans la seule vie qu’il connoisse : il a fait un grand pas vers la félicité en se débarrassant des terreurs qui affligent les autres.

  1. Tels sont Moyse, Samüel, David chez les Juifs, Mahomet chez les Musulmans ; chez les Chrétien Constantin, S.Cyrille, S. Athanase, S. Dominique & tant d’autres brigands religieux & zélés persécuteurs que l’Eglise révère. Ça peut encore leur joindre les Croisés, les Ligueurs, &c.