Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/293

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inconséquence, elles ne dérogeoient pas dans leur conduite à ces idées désolantes, elles tomberoient dans l’abrutissement le plus honteux ; comment s’occuperoient-elles d’un monde périssable qui peut à chaque instant écrouler ? Comment songer à se rendre heureuses dans une terre qui n’est que le vestibule d’un royaume éternel ? Est-il donc surprenant que des superstitions auxquelles de pareils dogmes servent de base, aient prescrit à leurs sectateurs un détachement total des choses d’ici bas, un renoncement entier aux plaisirs les plus innocens, une inertie, une pusillanimité, une abjection d’ame, une insociabilité qui les rend inutiles à eux-mêmes & dangereux pour les autres ? Si la nécessité ne forçoit les hommes de se départir dans la pratique de leurs systêmes insensés ; si leurs besoins ne les ramenoient à la raison en dépit de leurs dogmes religieux, le monde entier deviendroit bientôt un vaste désert, habité par quelques sauvages isolés, qui n’auroient pas même le courage de se multiplier. Qu’est-ce que des notions qu’il faut nécessairement mettre à l’écart pour faire subsister l’association humaine !

Cependant le dogme d’une vie future, accompagnée de récompenses & de châtimens, est depuis un grand nombre de siècles regardé comme le plus puissant, ou même comme le seul motif capable de contenir les passions des hommes, & qui puisse les obliger d’être vertueux ; peu-à-peu ce dogme est devenu la base de presque tous les systêmes religieux & politiques, & il semble aujourd’hui que l’on ne pourroit attaquer ce préjugé sans briser absolument les liens de la société. Les fondateurs des religions en ont fait usage pour s’attacher leurs sectateurs crédules ; les législateurs