Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/295

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genre humain. La nature cria vainement aux hommes de songer à leur félicité présente, le prêtre leur ordonna d’être malheureux dans l’attente d’une félicité future : la raison leur disoit en vain qu’ils devoient être paisibles ; le prêtre leur souffla le fanatisme & la fureur, & les força de troubler la tranquillité publique toutes les fois qu’il fut question des intérêts du monarque invisible de l’autre vie ou de ses ministres en celle-ci.

Tels sont les fruits que la politique a recueillis du dogme de la vie future ; les régions de l’avenir ont aidé le sacerdoce à conquérir le monde. L’attente d’une félicité céleste & la crainte des supplices futurs ne servirent qu’à empêcher les hommes de songer à se rendre heureux ici bas. L’erreur, sous quelque aspect qu’on l’envisage, ne sera jamais qu’une source de maux pour le genre-humain. Le dogme d’une autre vie en présentant aux mortels un bonheur idéal en fera des enthousiastes ; en les accablant de craintes il en fera des êtres inutiles, des lâches, des atrabilaires, des forcenés, qui perdront de vue leur séjour présent pour ne s’occuper que d’un avenir imaginaire & des maux chimériques qu’ils doivent craindre après leur mort.

Si l’on nous dit, que le dogme des récompenses & des peines à venir est le frein le plus puissant pour réprimer les passions des hommes ; nous répondrons en appellant à l’expérience journalière. Pour peu que l’on regarde autour de soi, l’on verra cette assertion démentie, & l’on trouvera que ces merveilleuses spéculations, incapables de changer les tempéramens des hommes, d’anéantir les passions que les vices de la société même con-