Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

scélérats qui chacun à leur manière, désolent la société, vous ne trouverez qu’un petit nombre d’hommes, assez intimidés par les craintes d’un avenir malheureux, pour résister à leurs penchans ; que dis-je ! Ces penchans sont trop foibles pour les entraîner, & sans le dogme d’une autre vie, la loi & la crainte du blâme eussent été des motifs suffisans pour les empêcher de se rendre criminels.

Il est en effet des ames craintives & timorées sur lesquelles les terreurs d’une autre vie font une impression profonde ; les hommes de cette espèce sont nés avec des passions modérées, une organisation frêle, une imagination peu fougueuse ; il n’est donc point surprenant que dans ces êtres, déjà retenus par leur nature, la crainte de l’avenir contrebalance les foibles efforts de leurs foibles passions ; mais il n’en est point de même de ces scélérats déterminés, de ces vicieux habituels dont rien ne peut arrêter les excès, & qui dans leurs emportemens fermant les yeux sur la crainte des loix de ce monde, mépriseront encore bien plus celles de l’autre.

Cependant combien de personnes se disent, & même se croient retenues par les craintes d’une autre vie ! Mais ou elles nous trompent, ou elles s’en imposent à elles-mêmes : elles attribuent à ces craintes ce qui n’est que l’effet de motifs plus présens, tels que la foiblesse de leur machine, la

    façon que ni l’un ni l’autre ne puissent agir. Quoiqu’il en soit, les méchans comptent sur un Dieu immobile ; ou se flattent à l’aide de sa miséricorde d’échapper aux effets de fa Justice. Les brigands qui voient que tôt ou tard ils périront au gibet, disent qu’ils en seront quittes pour faire une belle fin. Les chrétiens, croient qu’un bon Peccaví efface tous les péchés. Les Indiens attribuent la même vertu aux Eaux du Gange.