Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/298

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disposition de leur tempérament, le peu d’energie de leurs ames, leur timidité naturelle, les idées de l’éducation, la crainte des conséquences immédiates & physiques de leurs déréglemens ou de leurs mauvaises actions. Ce sont là les vrais motifs qui les retiennent, & non pas les notions vagues de l’avenir, que les hommes, qui en sont d’ailleurs les plus persuadés, oublient à chaque instant dès qu’un intérêt puissant les sollicite à pécher. Pour peu que l’on y fit attention l’on verroit que l’on fait honneur à la crainte de son dieu de ce qui n’est reéllement que l’effet de sa propre foiblesse, de sa pusillanimité, du peu d’intérêt que l’on trouve à mal faire ; l’on n’agiroit point autrement quand même l’on n’auroit pas cette crainte, & si l’on réfléchissoit, l’on sentiroit que c’est toujours la nécessité qui fait agir les hommes comme ils font.

L’homme ne peut être contenu lorsqu’il ne trouve point en lui-même de motifs assez forts pour le retenir, ou le ramener à la raison. Il n’y a rien ni dans ce monde ni dans l’autre qui puisse rendre vertueux celui qu’une organisation malheureuse, un esprit mal cultivé, une imagination emportée, des habitudes invétérées, des exemples funestes, des intérêts puissans invitent au crime de toutes parts. Il n’est point de spéculations capables de réprimer celui qui brave l’opinion publique, qui méprise la loi, qui est sourd aux cris de sa conscience ; que sa puissance met en ce monde au dessus du châtiment ou du blâme[1]. Dans

  1. On ne manquera pas de dire que la crainte d’une autre vie est un frein, au moins utile pour contenir les Princes & les grands, qui n’en ont point d autre ; & qu’un frein quelconque vaut encore mieux que point de frein du tout. On a suffisamment prouvé que ce frein de l’autre vie n’arrêtoit nullement les souverains ; il est un autre frein plus réel & plus propre à les contenir & à les empêcher