Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/300

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d’un peuple entier dont il fait le malheur, ne verra point les yeux enflammés d’un maître plus puissant. Quand un monarque orgueilleux prétend être comptable à Dieu seul de ses actions, c’est qu’il craint plus sa nation que son dieu.

Mais d’un autre côté la religion elle-même n’anéantit-elle pas les effets des craintes qu’elle annonce comme salutaires ? Ne fournit-elle pas à ses disciples des moyens de se soustraire aux châtimens dont elle les a si souvent menacés ? Ne leur dit-elle pas qu’un repentir stérile peut à l’instant de la mort désarmer le courroux céleste, & purifier les ames des souillures du péché ? Dans quelques superstitions les prêtres ne s’arrogent-ils pas le droit de remettre aux mourans les forfaits qu’ils ont commis pendant le cours d’une vie déréglée ? Enfin les hommes les plus pervers rassûrés dans l’iniquité, la débauche & le crime ne comptent-ils pas jusqu’au dernier moment sur les secours d’une religion qui leur promet des moyens infaillibles de se réconcilier avec le dieu qu’ils ont irrité & d’éviter ses châtimens rigoureux ?

En conséquence de ces notions si favorables pour les méchans, si propres à les tranquilliser, nous voyons que l’espoir d’expiations faciles, loin de les corriger, les engage à persister jusqu’à la mort dans les désordres les plus crians. En effet malgré les avantages sans nombre que l’on assûre découler du dogme de l’autre vie, malgré son efficacité prétendue pour réprimer les passions des hommes, les ministres de la religion, si intéressés au maintien de ce systême, ne se plaignent-ils pas eux-mêmes chaque jour de son insuffisance ? Ils reconnoissent que les mortels qu’ils ont imbus