Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/306

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Les hommes ne sont par-tout si méchans, si corrompus, si rebelles à la raison que parce que nulle part ils ne sont gouvernés conformément à leur nature ni instruits de ses loix nécessaires. Par-tout on les repaît d’inutiles chimeres ; par-tout ils sont soumis à des maîtres qui négligent l’instruction des peuples, ou ne cherchent qu’à les tromper. Nous ne voyons sur la face de ce globe que des souverains injustes, incapables, amollis par le luxe, corrompus par la flatterie, dépravés par la licence & l’impunité, dépourvus de talens, de mœurs & de vertus ; indifférens sur leurs devoirs, que souvent ils ignorent ; ils ne sont guères occupés du bien-être de leurs peuples ; leur attention est absorbée par des guerres inutiles, ou par le desir de trouver à chaque instant des moyens de satisfaire leur insatiable avidité ; leur esprit ne se porte point sur les objets les plus importans au bonheur de leurs états. Intéressés à maintenir les préjugés reçus, ils n’ont garde de songer aux moyens de les guérir ; enfin privés eux-mêmes des lumières qui font connoitre à l’homme que son intérêt est d’être bon, juste, vertueux ils ne récompensent pour l’ordinaire que les vices qui leur sont utiles, & punissent les vertus qui contrarient leurs passions imprudentes. Sous de tels maîtres est-il donc surprenant que les sociétés soient ravagées par des hommes pervers qui oppriment à l’envi les foibles qui voudroient les imiter ? L’état de société est un état de guerre du souverain contre tous, & de chacun des membres les uns contre les autres[1]. L’homme est

  1. Il faut observer ici que je ne dis pas, comme Hobbes, que l’état de nature est un état de guerre, je dis que les hommes par leur nature ne sont ni bons ni méchans, ils sont également disposés à devenir bon ou méchans suivant qu’on les modifie ou suivant qu’on leur fait trouver leur intérêt à être l’un ou l’autre. Les hom-